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L'huile minérale dans les cosmétiques : la pétro-chimie incarnée

La question de l'huile minérale dans les cosmétique pourrait sans crainte confirmer une maxime : "tout ce qui brille n'est pas or" et en infirmer une autre : "Tout est bien sortant des mains de la nature" (Rousseau).

Il en va ainsi de l'huile minérale qui est un ingrédient très largement utilisé en particulier dans certains types de produits et qui est sans aucun doute brillant (au sens propre et au sens figuré) et naturel, puisque minéral...

L'huile minérale, c'est quoi ?

C'est un corps gras fortement hydrophobe et occlusif (imperméabilisant) dérivé des hydrocarbures (distillation de la houille ou du pétrole) qui est largement utilisé dans l'industrie mécanique (comme lubrifiant ou huile pour les moteurs) mais également dans l'industrie cosmétique, où il remplit les fonctions d'émollient (pour assouplit la peau) et d'agent occlusif (pour empêcher le dessèchement). On le retrouve sous les appellations Petrolatum, Paraffinum liquidum (Paraffine liquide) ou Mineral Oil pour les versions fluides, Cera microscristallina (cire microcristalline), Petrolatum jelly (gelée de pétrole), polyisobutylène (caoutchouc butyle) ou encore Ozokerite et son dérivé, la Céresine (Ceresin) pour les versions solides ou semi-solides.

 

L'huile minérale, dans quels produits ?

Tous les produits cosmétiques sont concernés. A chaque fois qu'un produit peut contenir de l'huile, il peut potentiellement contenir de l'huile minérale. On la retrouve donc dans des produits pour le corps ou les cheveux, des produits de protection solaire, des produits pour bébés, du maquillage, etc...

Mais il y a surtout des catégories de produits où elle est utilisée de façon quasi-systématique. C'est le cas des baumes lèvres, du maquillage (rouges à lèvres, bases de maquillage, fonds de teint, poudres et fards), des produits pour les cheveux, en particulier afros et dans la plupart des "préparations pharmaceutiques" à destination des peaux très sèches, squameuses ou eczémateuses. Dans le cas de ces produits, toutes marques confondues, l'huile minérale est l'ingrédient majoritaire de la composition dans au moins 80% des cas. C'est d'ailleurs dans des produits pharmaceutiques qu'on retrouve le plus souvent de l'huile minérale en pôle position. Pourquoi ? Simplement parce que c'est un ingrédient typique en dermo-cosmétique officinale, utilisé depuis les débuts de la formulation en officine comme excipient de base. Dans les fondements de la préparation officinale, les pommades vraies (mélange de corps gras liquides et solides, ne contenant pas d'eau) sont constituées à 95% minimum d'huile et de gelée minérale, avec parfois l'ajout de 1 à 2% d'huile végétale en tant qu'"actif". Il existe d'ailleurs à destination des laboratoires de dermo-cosmétique, toutes sortes de ces pommades prêtes à l'emploi à base d'huile ou de gelée minérale, dans lesquelles il suffit d'ajouter quelques ingrédients et/ou actifs pour avoir un produit prêt à la vente. Mais ne nous leurrons pas : il y a bien longtemps que l'utilisation de l'huile minérale a passé la porte de l'officine pour se retrouver dans tous les circuits de vente et dans toutes les catégories de produits et même dans les produits dits "de luxe" (surtout ceux là d'ailleurs).

Des avantages indéniables...

L'huile minérale présente des particularités qui expliquent son utilisation intensive dans l'industrie cosmétique.

  • C'est une huile stable. Contrairement à une huile végétale qui est sensible à l'oxydation, l'huile minérale ne rancit jamais, puisqu'elle est inerte et ne contient donc pas d'acides gras ni de vitamines. Elle permet ainsi l'élaboration de produits très stables à l'oxydation, sans avoir recours à des antioxydants.
  • C'est une huile très peu chère. Le mot exact serait même "cheap" puisque l'huile minérale est la moins chère de tous les corps gras, étant souvent issue des déchets de l'industrie pétrolière. A titre de comparaison, une huile végétale basique, même non bio, même raffinée, coûte environ 10 fois plus cher à l'achat.
  • C'est une huile occlusive. Elle permet d'isoler le support concerné (peau, cheveu) de l'air et de l'humidité. Elle est donc hydratante par effet indirect, puisqu'elle va permettre d'empêcher l'évaporation de l'eau. Dans la grille de l'occlusivité dont je vous ai déjà parlé, elle se retrouve juste à côté des silicones (qui sont eux aussi d'origine minérale). On la retrouve ainsi dans beaucoup de préparations pharmaceutiques destinées aux peaux très sèches, squameuses ou eczémateuses. On verra plus loin qu'il y a un énorme "effet pervers" à cette propriété occlusive...
  • C'est une huile multi-fonctions. Dans certaines catégories de produits, elle offre l'avantage de se suffir à elle-même et de faire d'une pierre 3 coups : Quand dans un produit sans huile minérale, on utilise des huiles végétales (émollient) + une cire (agent occlusif) comme la cire d'abeille, l'huile minérale elle, permet d'avoir à la fois un emollient et un agent occlusif dans un seul ingrédient ! Le 3ème coup étant bien entendu, l'énorme économie financière qui en résulte sur la formule du produit !

... Et des "effets pervers" certains !

L'huile minérale reprend sans surprise la plupart des inconvénients des silicones, et va même au delà :

  • C'est un ingrédient non-écologique. On le sait maintenant, le pétrole, c'est pas ce qu'il y a de mieux pour la planète. C'est une matière "fossile" qui une fois extraite, ne se renouvelle jamais. Son processus de raffinement est également très polluant, de même que son rejet après usage dans la nature.
  • C'est un ingrédient très occlusif : elle va donc être défavorable à l'écoulement naturel du sébum et à l'oxygénation de la peau. Ceci est très vrai dans les produits de maquillage du teint où elle cause souvent des boutons, mais aussi dans les produits capillaires, qui en contact du cuir chevelu vont causer des folliculites et contrecarrer l'écoulement du sebum sur les longueurs, d'où une sécheresse accrue des cheveux malgré un apport conséquent de gras via ces pommades à l'huile minérale.

Cet effet occlusif extrême peut être recherché dans certains produits spécifiques (eczémas, psoriasis chroniques) pour empêcher toute évaporation de l'eau venant des couches profondes du derme, et donc de maintenir la peau hydratée. Mais il n'a absolument aucune raison d'être ni intérêt dans des produits courants, dans du maquillage ou des produits capillaires, si ce n'est un intérêt financier pour le fabricant.

  • L'huile minérale n'est pas biocompatible (assimilable par la peau). C'est un ingrédient "inerte" (non actif chimiquement) qui a l'avantage de ne pas générer d'allergies, mais qui peut être parfois irritante.

Mais le gros inconvénient de ne pas être "biocompatible" est surtout de rester en surface sur la peau sans être absorbé, tel un vernis (gras), sans apporter d'effet nutritif quelconque.

Pire encore, cet absence de biocompatilibilité provoque un rejet de l'huile minérale par la peau !

Ces 2 inconvénients d'occlusivité et d'absence de biocompatibilité de l'huile minérale nous permettent de résoudre un des plus grands paradoxes de beauty addict  : le fait qu'avec certains baumes lèvres (ou rouges à lèvres d'ailleurs), on soit obligée de remettre une couche toutes les heures (voire demi-heures), tout en ayant toujours l'impression d'avoir les lèvres sèches, même après 10 ans de baume lèvres consciemment appliqué quotidiennement.

Plus on en met, plus on a besoin d'en mettre ! Un cercle vicieux !

L'explication simple est que les lèvres (qui ne secrètent bien sûr pas de sebum) ne vont sûrement pas pouvoir se réhydrater sous ce "film" occlusif (au contraire de la peau qui elle peut le faire). Elles vont donc rester sèches sous le baume ou le rouge à lèvres.

2ème souci : la peau des lèvres qui ne va pas absorber l'huile minérale, va au contraire la rejeter, la considérant comme un corps étranger. A chaque couche d'huile minérale appliquée, les lèvres se dessèchent donc davantage.

Pour les rouges à lèvres, le principal bénéfice n'est pas de soigner les lèvres, passe encore, mais concernant les baumes contenant de l'huile minérale, non seulement ça n'hydrate et ne répare pas, mais en plus, ça crée de la sécheresse supplémentaire !

Vous êtes donc condamnée à racheter et à appliquer indéfiniment du baume lèvres dès la fin du tube.

Car vos lèvres ne seront JAMAIS hydratées et encore moins réparée avec de l'huile minérale, vous aurez au mieux une "impression de confort" dès l'application et ce, pour quelques minutes.

 

Les huiles minérales sont donc aussi perverses que le sont les silicones, mais il y a 2 autres effets qui font que les huiles minérales sont encore moins souhaitables !

Le problème de l'ingestion de l'huile minérale

Cela concerne bien évidement les produits pour les lèvres, or c'est souvent dans ce type de produits qu'on retrouve de l'huile minérale en grande quantité. Quand on sait qu'une femme ingère plusieurs kilos de rouge à lèvres (ou de baume lèvre) tout au long de sa vie, cela devient un problème... de poids si on puis dire ! Cette huile minérale se retrouve donc dans nos estomacs (où elle n'est pas assimilée quand elle est en petite quantité), mais en grande quantité, où elle cause des troubles intestinaux de gravités diverses.

Le problème qualitatif

A l'instar des silicones, l'huile minérale a aussi (dans une moindre mesure) un effet émollient qui donne une impression de "velouté" et de peau douce. Mais quand cet effet est assez "sophistiqué" pour les silicones, dans le cas de l'huile minérale, il est plutôt "archaïque". Vous avez déjà essayé de laver des pinceaux de peinture à l'huile ? L'huile minérale est une huile poisseuse, grasse, au toucher rustique, tout l'inverse de ce qu'on attend d'un produit sensoriel ! C'est un corps gras de piètre qualité s'il en est ! Et pourtant, elle se retrouve couramment dans des produits dits "haut de gamme" (regardez la composition de vos poudres compactes, vos fards à paupières, baumes lèvres ou rouges à lèvres de luxe !). L'huile minérale est un ingrédient tout se qu'il y a de plus bas dans la gamme des émollients, aussi bien par son prix que par sa sensorialité.

Et maintenant, souriez quand on vous vend un produit soit disant luxueux à prix exorbitant qui affiche "Parrafinum liquidum" en première position des ingrédients...

Oui, souriez, vous êtes... filmés !

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6 commentaires Laisser un commentaire
Répondremourad - 06/05/2022

quelle difference y'a-t'il-entre un fluide et un gel-creme?
RépondreNelly - 18/05/2013

« un produit totalement ou presque totalement huileux, qui peut parfois dans certains cas, faire « flamber » un eczéma et aggraver les symptômes de l’inflammation. »

Ah c’est intéressant, je n’en ai jamais entendu parlé, je me renseignerais là dessus au labo, merci!
RépondreNelly - 17/05/2013

Si ils mettent des ceramides en plus dans la compo pourquoi pas. Mais le souci, t’as du le voir si tu regardes un peu la compo des emollients les plus vendus, c’est que c’est juste occlusif sans réparation. Ça humecte, mais ça compense pas le manque physiologique de ceramides, du coup, une fois la couche partie, c’est ps mieux qu’avant, voir pire.

Dexeryl par exemple, ça humecte, ya donc une sensation de confort pendant l’usage, mais ça espacera pas les poussées puisqu’il y manque cruellement des actifs type ceramide, cholestérol, squalane etc.

Je suis pas contre l’emploi de la parrafine forcément, mais par dessus un vrai truc réparateur. Par exemple: un xemose + un col cream (si on veut du haute tolérance sans parler écologie ou naturel).

Et souvent, la prescription parle juste d’occlusivite mais sans réparation…

C’est pour ça que j’aime beaucoup tes articles, je pense que tu es convaincue comme moi, que le naturel c’est bien, mais à bonne formule et pas « naturel pour dire naturel » même si irritant, mal dosé, inactif etc.

Et cet état d’esprit loin de la caricature « bouh c’est chimique c’est sale », me fait vraiment plaisir à lire.
Alice Roux - 17/05/2013

Je pense que toutes les crèmes/cérats émollients vendus sans prescription, toutes marques confondues, restent des traitements d’appoint. Il ne faut jamais s’attendre à un réel effet curatif.
Certains sont simplement occlusifs, comme tu dis, d’autres contiennent en plus des actifs relipidants et/ou apaisants, mais dans les 2 cas, qu’ils soient purement occlusifs ou enrichis en actifs, pour des cas réel de dermatoses, ce type de traitement ne traitera que les manifestations des poussées (inconfort, douleurs, démangeaisons due à la sécheresse) mais jamais la cause même (la dermatose, donc).
Il est en effet impossible de traiter une dermatose avec des émollients/actifs même performants, celle-ci étant quasiment toujours (comme c’est le cas pour l’eczéma), d’origine allergique. Ca restera dans tous les cas de l’appoint et du traitement symptomatique.

Le seul traitement actif de la dermatose reste encore aujourd’hui les corticoïdes, avec les effets secondaires et les limites qu’on connait.

Cependant, on peut remarquer que bien souvent, il est préférable d’appliquer un produit d’appoint semi-occlusif, contenant un peu d’eau (une émulsion grasse par exemple) et des actifs apaisants, qui soulagera mieux qu’un produit totalement ou presque totalement huileux, qui peut parfois dans certains cas, faire « flamber » un eczéma et aggraver les symptômes de l’inflammation.
RépondreNelly - 16/05/2013

Tu fais bien de rappeler que la paraffine n’a qu’un effet occlusif donnant une impression d’hydratation par imprégnation.

Par contre, même ça, c’est mauvais. comme j’explique à chaque fois à celles qui font des masques de cold cream, l’occlusivité produit une deshydratation rebond, due à une SUR hydratation qui dissout le ciment intercellulaire!
Alice Roux - 13/05/2013

Merci pour ton commentaire Nelly !
C’est en effet mauvais et totalement inutile, une imperméabilisation extrême dans le cas d’une peau « normale » (sans état pathologique).
Le fameux ciment intercellulaire (cholestérol, acides gras, céramides) étant souvent suffisant sur une peau normale, l’occlusivité apportée par des huiles végétales et/ou certains émollients est largement satisfaisante.
Le seul cas où une occlusivité extrême peut être justifiée étant une peau malade telle les peaux eczémateuses ou assimilés, dont la fonction barrière est détériorée, le ciment intercellulaire défaillant.
Ces peaux incapables de retenir la moindre eau qui vient du derme et pour lesquelles il est courant de prescrire des pommades occlusives pour rétablir une hydratation à peu près normale.

Ce qui reste donc des cas particuliers qui vont au delà d’une simple déshydratation, sécheresse ou même sensibilité.

Merci de ta visite, et au plaisir de te relire, ici ou ailleurs ????
Votre commentaire a bien été posté, merci pour votre contribution !