La cosmétique naturelle et ses entorses : parce que vous le voulez bien ?
C'est une des questions parmi les plus fréquentes et j'ai estimé utile d'en faire carrément un billet. Un billet d'humeur même. Mais qui répondra à vos questions les plus récurrentes.
Vous êtes en effet de plus en plus nombreuses à me demander par e-mail, via le blog ou sur les réseaux sociaux ce que je pense de tel ou tel ingrédient utilisé dans un produit naturel ou bio.
Clarifions d'abord un point : je me refuse toujours de vous répondre sur des produits existant sur le marché ou des compositions entières par honnêteté (je ne suis pas conseillère beauté d'une part et n'ai aucune légitimité pour parler de produits que je n'ai pas moi-même formulés/testés) et par éthique (je ne vous répondrai jamais sur des produits existants ni dans un sens ni dans l'autre, par simple respect envers ceux qui l'ont conçu).
Néanmoins, pour tout ce qui concerne des ingrédients en particulier avec mon avis personnel, c'est tout à fait l'objet du blog et je n'ai aucun souci à le faire.
J'aimerais donc vous donner mon point de vue sur ces ingrédients dont vous me parlez tous les jours et qui sont couramment utilisés en cosmétique naturelle voire bio. Vous vous en doutiez et à raison, certains n'ont en effet rien à faire dans des produits dits naturels, à fortiori bio.
Les lignes qui suivent sont ma vision à moi de ce qu'est la cosmétique naturelle. Elle vous paraîtra sans doute extrême, mais il y a des concessions que personnellement je ne fais jamais et cela n'est pas près de changer.
La cosmétique naturelle/bio, autant de définitions que de marques.
Oui, je mets "naturel" et "bio" dans le même panier. Et il en serait toujours ainsi si on avait tous en industrie les mêmes convictions sur ce qu'est la cosmétique naturelle. Pourquoi ? simplement parce que si la cosmétique dite "naturelle" était réellement ce qu'elle prétend être, la cosmétique Bio serait inutile et n'apporterait rien de plus.
Aujourd'hui, on peut vouloir se tourner vers la cosmétique certifiée Bio parce que la cosmétique dite "naturelle" l'est rarement, car elle n'a pas de cadre. Au niveau des fabricants : chacun y va de sa propre définition. Certains sont persuadés de faire de la cosmétique naturelle parce que leurs produits contiennent quelques plantes. D'autres parce qu'ils n'utilisent pas de "sulfates/parabens", d'autres encore parce que sur 100 produits existants, 2 sont réellement naturels. Soit. Et chez vous consommateurs ? Aucun jugement de valeur, simple constat : vous consommateurs, êtes bien tolérants parfois vis-à-vis de la cosmétique dite naturelle/bio. Parce que certains produits vous plaisent, sont marrants, originaux, sentent bons, ont des résultats immédiats, vous êtes prêts à passer l'éponge sur certaines énormes incohérences entre le discours de la marque et les produits proposés. Mais si cela est innocent voire inconscient, cela contribue néanmoins à donner une bonne excuse à nous fabricants de continuer ainsi :
- "Parce qu'on ne peut pas faire autrement". On peut toujours faire autrement. Soit on trouve des alternatives (en admettant d'y mettre le prix financier et humain), comme cela a été le cas avec la disparition des parabens et des sulfates. Preuve s'il en est que quand le consommateur dit non, on trouve toujours les moyens de faire autrement et de ne plus flirter avec la chimie pure en cosmétique naturelle.
- Parce que la cosmétique naturelle a ses limites". Oui, la cosmétique naturelle a ses limites et la cosmétique conventionnelle aussi. Formuler au naturel, c'est se confronter tous les jours à une industrie qui fonctionne toujours au conventionnel. A des fabricants de matières premières qui conservent toujours leurs extraits de plantes au phenoxyethanol/parabens. Qui vous présentent des ingrédients comme le Cocamidopropyl betaine ou le Stearamidopropyl dimethylamine comme compatible avec votre cahier des charges naturel parce que autorisés en cosmétique bio... A des laboratoires qui n'ont jamais formulé avec des ingrédients naturels.
Tels sont les challenges pour les marques qui veulent tendre vers le naturel/bio. Mais les choses changent aussi côté industrie. Aujourd'hui on a le choix de faire de la cosmétique réellement naturelle/bio si on accepte de formuler autrement en mettant le prix et le temps que cela doit prendre.
En admettant aussi que quand on est confrontée à des limites, on peut aussi choisir de ne pas proposer de produits par dépit ou par obligation du marché. Oui il est particulièrement difficile de faire mousser sans sulfates, encore plus de démêler et rendre doux les cheveux sans ammonium quaternaires. C'est la raison pour laquelle je n'ai toujours pas d'après-shampoing satisfaisant à vous proposer et que je ne lancerai pas un produit que je n'estime pas bon. Parce qu'on peut aussi choisir de ne pas proposer un type de produit si on en est pas soi-même satisfait.
Parce qu'on a aussi en cosmétique dite naturelle des huiles sèches à partir de dérivé propylés (Isopropyl xxx). Des shampoings avec ces mêmes dérivés (Cocamidopropyl xxx), des après-shampoings et masques avec des ammoniums quaternaires (Behentrimonium, Hydrohypropyltrimonium xxx). Des produits conservés au phenoxyéthanol/méthylisothiazolinone. On évite soigneusement les silicones et les parabènes (trop populaires), mais on fait quand même avec des ingrédients qui n'ont rien à faire dans de la cosmétique naturelle/bio.
Quel que soit le discours, quel que soit le produit, ces ingrédients contenus dans un produits en font un produit non naturel. Soit parce que leur fabrication ne respecte pas l'environnement, soit parce qu'elle ne respecte pas la santé. C'est l'un ET l'autre, sinon cela n'a pas de sens.
La prochaine fois que vous vous demanderez si un produit dont le seul "hic" de la composition est la présence d'ammonium quaternaire est naturel ou non, Ma réponse est non, il n'est pas naturel selon ma conception de la cosmétique naturelle.
Qu'il vous convienne, soit. Qu'il fonctionne soit. Qu'il contiennent 20 plantes, soit. Qu'il soit très bien présenté, soit. Mais ne me demandez pas de vous dire qu'il est naturel, car il ne l'est pas de mon point de vue.
La cosmétique naturelle n'est pas une vérité universelle, non. Peut importe qu'un produit soit naturel ou non tant qu'il est clairement identifié comme tel ou non. Soit il est naturel et il l'est jusqu'au bout, soit il ne l'est pas. C'est aussi simple que ça. A vous de mettre le curseur où vous estimez qu'il doit être. car je ne vous dirai jamais de ne pas utiliser tel ou tel produit parce qu'il n'est pas naturel. On peut se satisfaire d'un produit conventionnel parce qu'il fonctionne bien. On peut ne pas pouvoir/vouloir se passer d'un après-shampoing qui démêle réellement ou d'un shampoing qui mousse. On peut aimer la sensation d'une crème aux silicones sur sa peau. A nous en industrie de faire autrement et de vous proposer ce dont vous avez besoin sans piocher dans la chimie pure. Et parfois, de ne pas avoir une gamme complète parce qu'on y est pas encore arrivé...
La cosmétique naturelle part d'une conviction et d'une vision de ceux qui la font. La conviction de faire autrement, que ce soit par challenge personnel ou par souci éthique/écologique. Parce que la conclusion quand même, c'est qu'il existe déjà tout pour faire aussi bien des shampoings, après-shampoings, sérums et autres crèmes réellement naturels et qui fonctionnent. Il faut juste le temps de mettre tout cela ensemble et de trouver les bonnes combinaisons pour y arriver.
Ce billet d'humeur vous l'aurez compris, s'adresse davantage à ceux qui font la cosmétique naturelle qu'à vous consommateurs. Mais vous avez le pouvoir énorme de faire savoir à l'industrie cosmétique ce que vous attendez d'elle. Vous l'avez fait pour les parabens et les sulfates, vous pouvez le faire pour ces ingrédients qui traînent encore au milieu de formules naturelles. Définitivement, les ammoniums quaternaires, les dérivés propylés n'ont rien à faire en cosmétique naturelle/bio. Mais si vous acceptez nos excuses bancales pour continuer comme d'habitude, si vous nous trouvez vous-même des excuses, ne doutez pas que le jour où on se bougera pour réellement faire changer les choses est encore loin.