La vérité sur les ingrédients
Un ingrédient "nature-like", c'est quoi ?
C'est un actif qui peut être d'origine naturelle ou synthétique, mais qui porte le même nom que la molécule naturelle qu'on retrouve dans la peau/les cheveux.
Acide hyaluronique, kératine, les exemples ne manquent pas. Termes autrefois réservés aux spécialistes de la biologie, ils sont désormais passés dans le langage courant, exposés par les marques et les médias.
Qualifiés de mimétiques (qui s'adapte en imitant), leurs propriétés annoncées sont bien souvent extraordinaires. Que leur action soit prouvée par des tests objectifs ou non, le seul fait qu'ils soient revendiqués comme une molécule naturellement présente dans le corps semble justifier leur action et leur efficacité.
Comment sont-ils obtenus ? Qu'en est-il vraiment de leur action et qu'est-ce qu'on peut en attendre réellement ?
Voyons ce qu'est la molécule présente naturellement dans le corps, puis sa version dite "synthétique" et enfin sa version dite "naturelle".
Il est à noter que la distinction "synthétique" versus "naturelle" est souvent faite par les marques elles-mêmes. Dans les faits, les ingrédients "nature-like" sont par définition synthétiques, puisqu'ils sont fabriqués pour reproduire les caractéristiques d'une molécule naturelle.
Mais dans le langage courant des marques (et des consommateurs), les versions dites "synthétiques" sont systématiquement d'origine animale et les versions dites "naturelles" d'origine végétale.
Les 2 versions sont donc en réalité toutes 2 d'origine naturelle (animale ou végétale) et d'action équivalente, la grande différence étant leur procédé d'extraction.
La version "animale", en plus de questionner sur les conditions de "récolte" est très souvent obtenue de façon non écologique (utilisation de solvants, utilisation de conservateurs durs, etc...) car destinée à l'origine à la cosmétique conventionnelle.
Les versions "végétales" sont plus récentes et font appel aux biotechnologies. Plus respectueuses de l'environnement, elles se présentent souvent sans conservateurs (en poudre à diluer) et dont donc créées pour les marques à revendication naturelle ou bio. Les versions "animales" ou "végétales" ont par ailleurs les mêmes propriétés.
Acide hyaluronique
- En version originelle dans le corps: Cette molécule hygroscopique (qui retient et fixe l'eau) à été initiallement identifiée dans l'humeur vitrée de l'œil (d'où son nom). Elle est naturellement présente dans le derme (très peu dans l'épiderme). Sa production diminue avec l'âge, baissant l'hydratation et l'élasticité naturelle de la peau, causant sécheresse, baisse de tonicité et rides.
- En version synthétique : Elle est obtenue à partir de crêtes de coq essentiellement, donc d'origine animale. Synthétisée, elle donne un gel dense et translucide dont les propriétés sont semblables à celles de l'acide hyaluronique naturel.
- En version naturelle: Elle est obtenue à partir de blé, d'origine végétale donc. Elle se présente sous forme de poudre qui une fois diluée dans de l'eau donne également un gel dense et translucide qui possède les mêmes propriétés que la version synthétique.
Quelle est son action ?
La version originelle présente dans le derme a une fonction de régulation de l'hydratation, mais également de maintien dans la matrice extracellulaire (dont le fameux tissu conjonctif qui donne l'aspect rebondi à la peau). C'est sa baisse avec l'âge qui fait perdre de la densité à la peau et donc son aspect jeune. L'acide hyaluronique synthétique ou naturel est utilisé en chirurgie esthétique ou en cosmétique avec des revendications anti-âge.
- En chirurgie
Il faut bien comprendre que le seul moyen de "renouveler" la molécule originelle dans la peau est d'y injecter la version synthétique ou naturelle. Un acte chirurgical donc. On ne retrouve pas sa peau de 20 ans si on en a 60, mais l'acide hyaluronique ainsi injecté donne un certain rebond à la peau et comble plus ou moins les rides profondes. Son action est temporaire (quelques mois au plus) et doit être renouvelée souvent pour en garder les bénéfices.
- En cosmétique
L'acide hyaluronique est utilisé ici de façon topique (sur la peau et non dans la peau). Cette action cosmétique sera très différente de l'action de la molécule originelle et de la chirurgie. Car l'acide hyaluronique cosmétique n'est en réalité pas vraiment une molécule anti-âge. Quand elle est dans la peau ou injectée, elle a des propriétés anti-âge (comprendre sur le rebond et les rides).
Mais en cosmétique c'est surtout un excellent hydratant. Sur ce point, elle est même une référence et à juste titre. Selon son poids moléculaire (haut ou bas), sa concentration et la formule utilisée, elle apporte un regain d'hydratation et de vrais bénéfices aux peaux sèches. Cette bonne hydratation participe évidemment à atténuer les ridules de déshydratation, à donner un aspect lisse à la peau et donc de la luminosité au teint.
Par contre, ne pensez pas qu'en appliquant un produit à l'acide hyaluronique, celui-ci va traverser l'épiderme, rejoindre le stock originel dans le derme et rajeunir votre peau. C'est souvent ce que laisse entendre le discours des marques, mais c'est un discours totalement erroné et trompeur, sachez-le !
L'acide hyaluronique en cosmétique est un ingrédient de choix, mais pour une hydratation supérieure avant tout, il ne comblera pas de vraies rides ni ne retendra la peau !
Kératine
- En version originelle dans le corps: Cette protéine est présente dans les phanères (cheveux, ongles) et en moindre proportion à la surface de l'épiderme (la peau morte est une couche de cellules kératinisées). C'est le constituant principal des ongles et des cheveux (composés à 95% de kératine).
- En version synthétique : Elle est obtenue très logiquement à partir de cornes, plumes, ongles et becs d'animaux. Elle est donc très semblable à la kératine humaine.
- En version naturelle : Elle est obtenue à partir de protéines de blé ou autres céréales hydrolysées.
Quelle est son action ?
La version originelle présente a la surface de l'épiderme (couche cornée) est produite par les kératinocytes. Ils absorbent la mélanine et colorent la peau (bronzage), la protégeant ainsi des rayons UV. Dans les ongles et les cheveux, elle donne une structure rigide et une certaine imperméabilité.
- En cosmétique
Qu'elle soit d'origine synthétique (animale) ou naturelle (végétale), son action est essentiellement substantive (adhère au support sur lequel est elle posée quand celui-ci contient des protéines). La kératine a en effet une grande affinité pour les protéines qu'elle constitue (peau, cheveux, ongles) et s'y accroche plus ou moins durablement.
Mais tout comme l'acide hyaluronique, la kératine apportée, qu'elle soit naturelle ou synthétique ne peut pas "remplacer" la version originelle.
Elle est principalement utilisée en cosmétique capillaire. En adhérant au cheveu, elle lui redonne une certaine rigidité (et s'utilise donc pour raidir les cheveux). Elle peut donc le renforcer quand celui-ci est abîmé (en comblant les brèches à sa surface).
C'est donc en lui-même un ingrédient plutôt bénéfique (attention néanmoins à l'abus qui peut rendre le cheveu "trop rigide", voire "plastifié" à force).
Le souci est que les produits qui en contiennent (de lissage essentiellement) contiennent toujours d'autres ingrédients problématiques (formol, silicones, quats) et sont utilisés sous forte chaleur pour faire adhérer cette kératine au cheveu.
Ainsi, le cheveu peut perdre parfois définitivement sa structure (ondulations, souplesse) et avoir un effet "plastifié" et "rigide" pas très naturel. La kératine utilisée pour ces produits de lissage est quasiment toujours d'origine animale et les formules en elles-mêmes ne sont jamais réellement naturelles.
Les lissages à la kératine sont des opérations extrêmes, dans le sens ou le cheveu est soumis à une forte chaleur et est littéralement recouvert d'une couche de kératine. Cet effet est temporaire, mais bien souvent, le cheveu ne redevient jamais comme à son origine et il peut y avoir des effets désagréables (cheveux qui graisse très vite, plus lourd, voire abîmé par la forte chaleur du traitement).
La version plus commune est d'utiliser des produits de soin contenant de la kératine de préférence d'origine végétale (shampoing, soins avec ou sans rinçage) pour apporter un léger effet protecteur ou de force aux cheveux, tout en gardant leur structure naturelle.
Collagène
- En version originelle dans le corps: Cette protéine est fabriquée naturellement dans la peau par les cellules du tissu conjonctif. Elle donne de la résistance aux tissus et participe aussi à leur cicatrisation. C'est une molécule de structure de la peau, d'où sa connotation "anti-âge", tout comme l'acide hyaluronique.
- En version synthétique : Il est obtenu à partir de peau de poisson ou de cartilage porcin (à l'origine de la fabrication de la gélatine).
- En version naturelle : Aussi appelé "pseudo-collagene", il est obtenu par biotechnologie à partir de certaines levures ou amidons.
Quelle est son action ?
La version originelle présente dans le derme est un élément de soutien, de structure de la peau. Il fait partie du maillage qui retient la peau et lui donne sa fermeté. On comprend donc son fort imaginaire dans le domaine de l'anti-âge, notamment de la perte de fermeté/densité de la peau.
- En chirurgie
Le collagène d'origine porcine est utilisé en injection pour raffermir la peau relâchée, combler les rides.
- En cosmétique
Il est utilisé de façon topique (sur la peau et non dans la peau). Tout comme pour l'acide hyaluronique, on est loin d'un effet de comblement des rides.
Bien que ses bénéfices soient souvent surdimensionnés, il reste néanmoins un très bon ingrédient, pas anti-âge direct, mais indirect (hydratation, léger effet tenseur).
Son action est tout d'abord hydratante et protectrice (car le collagène naturel ou synthétique est hygroscopique mais aussi filmogène). On aura également de bons résultats sur la douceur et la souplesse de la peau (ce qui indirectement va jouer sur la fraîcheur du teint) et donc par ricochet, une légère action de tension de la peau. Un ingrédient de choix donc pour les peaux matures notamment. Mais encore une fois, rien à voir avec le fait de "restaurer" le collagène du derme en l'utilisant dans un cosmétique. On serait plus dans le domaine de la chirurgie esthétique. A noter que certains actifs favorisent réellement la synthèse de collagène dans la peau (dans une moindre mesure), ce sont notamment les antioxydants et la vitamine E. Ce qui n'est pas le cas du collagène lui-même appliqué (et ce qui est souvent sous-entendu).
Elastine
- En version originelle dans le corps : Autre élément de structure de la peau avec le Collagène, l'elastine est une autre protéine produite par les fibroblastes cette fois, qui contrairement au collagène, est extensible. Pour schématiser, dans un vêtement extensible, le Collagène serait le coton (rigide) et l'Elastine serait l'élasthanne qui permet d'étirer ce tissu.
- En version synthétique : Elle est obtenue à partir de tendons du cou bovin. Ses revendications sont essentiellement celles d'un effet "tenseur".
- En version naturelle : Elle ne s'appelle pas "Elastine" et est obtenue par biotechnologie (fermentation lactique). Plus réaliste, la version naturelle est plutôt revendiquée comme "bosster d'élastine". On ne parle donc pas ici d'élastine même, mais d'ingrédient qui va favoriser sa synthèse dans la peau, ce qui est déjà plus correct.
Quelle est son action ?
La version originelle présente dans le derme a une fonction de soutien mais intervient surtout dans l'élasticité de la peau. Le capital d'élastine, tout comme celui-ci de Collagène est définit génétiquement. Sa synthèse diminue naturellement avec l'âge et l'Elastine est alors remplacée par du collagène "rigide". Ce phénomène explique l'apparition notamment des vergetures ou encore le relâchement cutané des peaux matures. Il explique également que certaines peaux soient plus élastiques que d'autres et résistent aux vergetures (et donc à l'extension).
- En chirurgie
On n'injecte pas directement de l'élastine synthétique comme on peut le faire avec le Collagène, mais plutôt des éléments qui vont "forcer" les cellules à en produire.
Les résultats ne sont honnêtement pas à la hauteur des espérances, car autant le Collagène injecté peut "gonfler" la peau et avoir une action visible, autant voir un vrai effet sur la synthèse d'élastine dans les cellules est plus qu'hasardeux.
- En cosmétique
Il n'y a que la version "synthétique" (animale) qui a le culot d'appeler réellement l'actif "Elastin" ou "Hydrolysed Elastin". Or ici, il est clair que l'action ne peut être topique.
D'ailleurs bien que les crèmes soient revendiquées comme contenant de l'élastine (animale), dans les détails, on retrouve ensuite "favorise la synthèse d'élastine". De par son nom (élastine, élastique) et son action dans la peau, on s'attend à retrouver une élasticité, un aspect lisse extraordinaire. Ce n'est pas le cas. On ne peut qu'aider à sa synthèse, dans les limites du pouvoir de la peau elle-même, limite définie génétiquement. L'action réelle de l'élastine en cosmétique, qu'elle soit "naturelle" ou "synthétique" sera tout comme le Collagène ou l'acide hyaluronique, hydratante, adoucissante, voire un effet tenseur léger.
Botox capillaire
Nous ne sommes plus ici dans le cadre d'un ingrédient "nature-like" mais dans un concept. J'ai par contre trouvé utile de le rajouter, puisqu'ici aussi, on flirte avec l'aspect chirurgical et surtout, on se rapproche beaucoup du traitement à la kératine connu sous le nom de "lissage brésilien".
Le Botox est en réalité un nom de marque qui désigne la toxine botulique, protéine hautement neurotoxique (toxique pour les nerfs). Cette toxine est utilisée en chirurgie esthétique de rajeunissement du visage, sous forme injectée. Elle a en effet la propriété à très faible dose de "paralyser" les cellules musculaires (notamment celle de la peau) et empêche donc la peau de se contracter et d'afficher une ride visible. Injectée dans les rides du front ou le sillon nasogénien (autour de la bouche), elle donne des résultats plus ou moins réussis selon le praticien (dans les cas les moins heureux, le visage est comme figé, surtout lorsqu'on parle, sourit).
C'est ce procédé qui a été repris dans le domaine capillaire sous le nom de "Botox capillaire". Qui n'a donc absolument rien à voir avec la toxine botulique ou un quelconque rajeunissement du cheveu... mais qui surfe sur le côté chirurgical (donc puissant) d'un traitement capillaire utilisé en cure. Dans les faits, c'est un produit qui contient des agents hydratants (de l'acide hyaluronique), substantifs (de la kératine), mais aussi des silicones et quats pour renforcer l'effet lisse et la brillance. Il est appliqué en salon de coiffure, souvent sous chaleur, ce qui potentialise ses effets par rapport à un traitement à domicile.
Rien de nouveau sous le soleil, mais un soin de coiffeur pas forcement néfaste en soi, mais pas extraordinaire par rapport à un soin classique appliqué dans les mêmes conditions non plus.
Le seul plus ? tout comme le lissage brésilien, il a un effet lissant (du la kératine) et un effet plastifiant (pour la brillance). Le "botox capillaire" est par contre plus léger que le lissage brésilien.
En conclusion, il est indéniable que les ingrédients "nature-like" possèdent surtout un imaginaire fort qui permet des concepts tout aussi forts à destination du consommateur.
Ce qui est sous-entendu ici étant que l'ingrédient "nature-like" -puisque semblable à la molécule d'origine dans le corps- va être capable de remplacer celle que l'on perd avec l'âge/l'usure naturelle. Ce n'est clairement pas ce qui se passe, on l'a vu.
Même si dans l'absolu, ils restent de bons ingrédients cosmétiques, avant tout très hydratants (l'acide hyaluronique est une référence dans le domaine), adoucissants (surtout pour la kératine d'origine végétale) voire légèrement tenseurs (collagène). C'est dans le domaine de l'anti-âge que l'on retrouve souvent ce type d'ingrédient, et pour cause, c'est celui où l'on attend le plus de miracles et où il faut donc viser très haut en terme de revendication.
Important à noter également, les versions d'origine végétale sont équivalentes aux versions d'origine animale. Elle ont également le mérite de rester plus cohérentes dans leur appellation et leurs bénéfices réels.
Bonjour
Merci pour votre article
C’est très clair et instructif !
J’ai trouvé les réponses à mes questions et voir plus !
Jam
Bonjour,
Bravo et merci pour toutes les informations partagées sur ce site. A la fois techniques, et utilisables pour ceux qui savent déjà, les données sont pleines de détails pratiques sur les qualités d'un bon produit cosmétique, faisant la part belle au contexte. Excellente base pour la physico-bio-chimiste que je suis, devant préparer le programme d'un cours pour professionnel sur l'intérêt, la physique, la biologie et la technnique d'apport d'information dans l'eau en cosmétique.
Vous trouverez plus d'info sur mon activité mon site Atl-Atl.com... Mais pas encore sur cette formation spécifique qui aura lieu mi novembre 20 si tout va bien.
Quelques commentaires :
Les problèmes d'oxydation de la peau peuvent être aussi du à l'ozone produite par les photocopieuses lazer dans les bureaux ( parisiens) où pourtant personne ne voit la lumière du jour.
Le chlorure de sodium oxydant pour les cheveux ???? A la mer c'est la combinaison eau (qui peut faire loup) et UV qui oxyde. Mais le NaCl ? quelle est votre source ? La matière organique est très stable vis à vis de Na Cl.
Le panthénol est un excellent hydratant qu'il soit L ou D. Seul le D est physiologique, mais en cosmétique on utilise plus souvent le mélange LD. Serait-ce la mauvaise raison pour l'oubli d’homologation en cosmétique bio ?
Et merci encore pour votre "super cours" clair et facile à compléter.
Sylvie HR