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L'INCI, ce vrai faux ami ! Pourquoi ne permet-il pas de tout décrypter ?

Cette idée d'article m'est venue suite à un message lu dans une discussion sur le net.
Il y était question d'un après-shampoing dans lequel il y avait un ingrédient problématique (un ammonium quaternaire exactement) qui se situait en toute fin de liste des ingrédients (la liste INCI).
Tout le monde était d'accord pour dire que s'il se situait tout à la fin, cela n'était pas bien grâve car cela signifie qu'il n'est présent qu'en petite quantité.

A contrario, je lis très souvent : "la composition fait apparaître tout plein d'extraits de plantes en premier, c'est génial" ou encore : "Il y a des parabens dans la composition, mais ils sont tout à la fin de la liste".

L'INCI (Nomenclature internationale des ingrédients cosmétiques) qui répertorie tous les ingrédients entrant dans la composition d'un produit donne en effet des informations utiles sur la nature des ingrédients et leur proportion. Il est à destination du consommateur, pour sa sécurité et repose aussi sur le simple fait logique qu'un consommateur doit toujours savoir ce qu'il achète (et consomme donc).

Passons sur la totale abérration que certains produits vendus sur le net par exemple n'affichent pas l'INCI des produits commercialisés. C'est à la fois un non-respect du consommateur, une malhonnêteté commerciale et un manque de transparence déplorable. Ca c'est dit, passons maintenant au détail de ce fameux INCI. Concernant la nature des ingrédients tels que décrits dans un INCI, peu de doutes possible.

On peut définir la nature de n'importe quel ingrédient à travers son INCI. En étant plus éclairé et expérimenté, on peut même savoir quel est le processus qui a conduit à son élaboration (estérification, extraction aqueuse, distillation, macération, hydrolyse, etc...). Concernant les proportions, c'est déjà un peu plus compliqué. Car même si les ingrédients sont indiqués par ordre décroissant selon leur proportion, il faut également prendre en compte plusieurs autres paramètres, autrement plus subtils. Je vais essayer de vous démontrer en 5 points, pourquoi l'INCI aussi utile soit-il, ne permet pas de tout décrypter, loin de là.

 

1. Le consommateur lambda connait rarement la forme réelle des ingrédients (poudre, pastille, cire...) et encore moins leur concentration active, que n'indique pas l'INCI. Pour prendre un exemple concret, le fameux Sodium Laureth sulfate se présente soit en vermicelles (pur), soit en pâte (70%), soit liquide, dilué dans de l'eau (50 ou 60%). Et c'est souvent le cas pour beaucoup d'ingrédients qui se présentent sous différentes formes et concentrations.

Dans cet ordre d'idée, pour un même nom (sodium Laureth sulfate), si vous ne savez pas quelle est la concentration utilisée, vous ne pourrez jamais estimer sa proportion réelle avec un INCI.

 

2. L'activité réelle (positive ou négative) d'un ingrédient ne dépend pas toujours de sa proportion. Certains ingrédients comme les conservateurs ou les huiles essentielles sont actifs à faile dose et leur action est par ailleurs démultipliée quand ils sont utilisés en association (ce qu'on appelle une synergie).

Mais c'est également le cas pour certains polymères, comme la xanthane, l'acide hyaluronique ou encore les polyquaterniums qui forment des gels fermes à faible dose (0,5 à 1%). Un polyquaternium peut donc très bien se retrouver dans les derniers ingrédients d'un INCI et avoir un effet très perceptible (et donc irritant) sur la peau.

A titre d'exemple, 1% de polyquaternium-10 permet un effet démêlant notable sur les cheveux, le dosage usuel ne dépassant d'ailleurs pas 1,5%. On ne pourrait de toute façon pas l'utiliser à plus forte proportion, car le produit final serait tellement "gélifié" qu'il ne coulerait plus (inutilisable donc). Mais même à 1%, vous aurez les cheveux gainés, l'action de l'ingrédient est bien là, malgré une concentration apparement faible.

En ce qui concerne les perturbateurs endocriniens, leur action ne peut être définie que par leur dose (d'ailleurs les doses étant réglementées, on met toujours les mêmes). Elle dépend aussi beaucoup de leur nature et de leur association entre eux (le fameux effet cocktail). Qu'ils se retrouvent en fin de liste n'indique pas qu'il sont "en faible proportion", c'est simplement leur proportion d'usage normale.

Parenthèse utile : Si vous souhaitez éviter les parabènes ou autres perturbateurs endocriniens en raison de leurs supposés effets sur la santé, évitez les tout court. Le fait qu'il soient plus ou moins en dernier dans une liste d'ingrédients ne changera rien à leur supposée nocivité. De même, que vous utilisiez un produit en contenant sur le corps ou sur les cheveux, il n'y a pas de grande différence à leur action (sauf si vous utilisez votre produit capillaire engoncée dans une combinaison spatiale -ceux dont je doute- il entrera en contact avec votre cuir chevelu ou votre peau, d'une façon ou d'une autre). Ne serait qu'en en prenant dans la main pour le mettre sur vos cheveux. Ceci est valable aussi pour des ingrédients irritants (ammoniums quaternaires ou tensioactifs). "La tige du cheveu est une matière morte", mais un cheveu ne vit pas séparé du corps. Bien que vous n'y fassiez sans doute pas attention tous les jours sous la douche, rincer un shampoing fait passer le produit de façon significative sur la peau (sans parler du cuir chevelu, zone d'absorption s'il en est).

Par contre, il est interressant d'essayer de ne pas multiplier les produits différents contenant la matière que vous souhaitez éviter, pour éviter le fameux effet cocktail. Contrairement aux apparences, il n'est donc pas incongru de continuer à prendre des médicaments contenant des parabènes  tout en essayant de les éviter au maximum dans ses produits de beauté.

 

3. Il y a très peu d'ingrédients qui se présentent sous forme pure, en général ce sont des mélanges. Cela est d'ailleurs plus vrai en cosmétique naturelle qu'en cosmétique conventionnelle. Les émulsifiants par exemple (qui lient l'eau à l'huile) sont souvent des PEG en cosmétique conventionnelle. Ils servent un peu à toutes les sauces, des huiles démaquillantes, aux après-shampoings, en passant par les crèmes visage, dépilatoires, les cires coiffantes, les eaux micellaires, les lotions, etc...

En cosmétique naturelle, un seul émulsifiant peut comprendre 5 composés différents, en général un émulsifiant vrai à faible dose + un alcool gras pour épaissir + des esters ou autres extraits végétaux avec des propriétés propres.

C'est le cas par exemple pour l'émulsifiant "Potassium olivoyl hydrolyzed wheat protein (and) cetearyl alcohol (and) glyceryl oleate (and) glyceryl stearate (and) potassium hydroxide". Un seul ingrédient, mais qui comprend 6 composés différents. Or chacun existe aussi seul. Si on met 5% de cet émulsifiant dans une crème, chacun des composés va rentrer dans l'INCI avec sa proportion propre, ils ne seront pas systématiquement alignés à la suite. Le composé "Glyceryl stearate" peut donc très bien se retrouver à la fin et le composé "cetearyl alcohol" au début, alors qu'ils font partie d'un seul émulsifiant qu'on a utilisé à 5%.

Comment savoir s'il a été introduit seul ou sous sa forme composée ? Seul le formulateur détient cette information. Voila aussi pourquoi dans un INCI, on peut retrouver le même ingrédient cité 2 fois de suite (une fois sous forme composée, une autre sous forme seule).

 

4. En l'absence de la formule exacte, il est parfois impossible de déterminer si un ingrédient est présent en grand quantité, même en ayant son INCI.

Prenons l'exemple de cet INCI : Aqua, Glycerin, Butyrospermum Parkii, Olive oil, Apricot kernel oil , Sesamum indicum oil, Viola tricolor extract, Palm oil, Linum usitatissimum extract, Ceteareth-25, Polyquaternium-10, Phenoxyethanol, Citric acid.

Cela pourrait être un après-shampoing "au beurre de karité et à l'huile d'Olive". On pourrait se dire : il est riche en extrait végétaux (extrait de lin, beurre de karité, huiles diverses). Bon, il contient du Ceteareth-25, du Polyquaternium-10 et du Phenoxyethanol, mais qui sont situés tout à la fin.

Voyons maintenant ses formules possibles :

Formule A : Aqua (88,9%), Glycerin (2%), Butyrospermum Parkii (1%), Olive oil (1%), Apriot kernel oil (1%), Sesamum indicum oil 1%), Viola tricolor extract (1%), Palm oil (1%), Linum usitatissimum extract (1%), Ceteareth-25 (1%), Polyquaternium-10 (0,7%), Phenoxyethanol (0,3%), Citric acid (0,10%).

> 5% d'huiles + 2% d'extraits de plantes, soit 7%. Pour une formue riche en extrait végétaux, c'est plutôt léger. Autant dire que ce qui est vraiment actif  ici, ce sont bien le Polyquaternium-10 (démêlant) et le Ceteareth-25 (émulsifiant qui permet le rinçage).  Pourtant, ils sont présent "en petite proportion" et tout à la fin, donc.

Pourtant, en regardant l'INCI, on est sûr d'être en face d'un produit riche en Beurre de karité et en huile d'Olive (et d'abricot, et de sésame, etc,...). Faux ! Par ailleurs, il est conservé au Phenoxyethanol. Les matières naturelles si diverses soient-elles ne rattrapent pas le fait que le conservateur utilisé est problématique, si on en croit l'opinion publique.

Formule B : Aqua (71,7%), Glycerin (5%), Butyrospermum Parkii (5%), Olive oil (5%), Apriot kernel oil (4%), Sesamum indicum oil (2%), Viola tricolor extract (2%), Palm oil (2%), Linum usitatissimum extract (2%), Ceteareth-25 (0,5%), Polyquaternium-10 (0,5%), Phenoxyethanol (0,2%), Citric acid (0,10%).

> 18% d'huiles + 4% d'extraits de plantes, soit 22%. Près du quart des ingrédients sont cette fois-ci des huiles et extraits végétaux, ce qui fait une grande différence avec la formule A. Les Polyquaternium-10, Ceteareth-25 et Phenoxyethanol sont placés exactement au même endroit, mais il y en a moins. On a déjà plus du tout la même formule, avec le même INCI pourtant.

Cet INCI correspond-il à la formule A ? à la formule B ? Seul le formulateur connait la réponse. Et on pourrait aussi trouver des formules C, D, E, etc... qui soient pareilles avec ce même INCI.

De la même façon, certains ingrédients sont souvent rajoutés à dessein pour donner l'impression d'une formule riche en extraits végétaux et "noyer" certains ingrédients problématiques dans la masse. C'est ce qu'on appelle du "bourrage d'INCI".

L'important n'est pas "le nombre" des matières naturelles contenues dans une formule, l'important n'est pas forcément leur pourcentage. 99% d'ingrédients naturels auxquels on ajoute 1% d'un ingrédient problématique donnent 1 produit non naturel. L'équation inverse n'est pas plus vraie, car tous les produits conventionnels contiennent au moins un ingrédient naturel, cela n'en fait pas des produits naturels et inoffensifs pour autant.

Une formule qu'on souhaite analyser est toujours à considérer dans sa globalité, toute sa globalité. C'est ce qui fait la différence entre la cosmétique conventionnelle, la cosmétique dite "naturelle" et  la (vraie) cosmétique naturelle.

 

5. L'INCI correspond à un cadre donné. Si la déclaration européenne est uniforme, elle n'est pas la même partout. Ainsi aux USA, on peut retrouver le terme "Emulsifying wax" (cire émulsifiante) pour un émulsifiant. Qui peut être n'importe lequel (il y en a des centaines), naturel, synthétique ou complètement chimique. D'ailleurs "Emulsifying wax" est souvent le nom générique du "Polysorbate 60", un émulsifiant ethoxylé, semblable aux PEG. En voyant "Emulsifying wax" ou Cire émulsifiante, on croit être devant une cire anodine et banale. Ce n'est pas le cas.

On retrouve aussi très souvent les extraits végétaux en haut de liste, très bien placés (donc supposés être en grande quantité).

Un extrait hydro-glycériné de violette par exemple qu'on utilise à hauteur de 10% dans une formule apparaîtra à 10%, donc probablement juste après l'eau, donc en 2ème position.

Or en Europe, un extrait hydro-glycériné de violette qu'on utilise à hauteur de 10% par exemple, sera déclaré ainsi :

  • Eau : 89% (l'eau de l'extrait sera donc additionnée à l'eau de la formule totale).
  • Gycérine : 10% (qui sera déclarée additionnée à la glycérine introduite à part s'il y en a)
  • Extrait de violette : 1% (la matière "active" est donc déclarée à part).

En Europe, ce même extrait de violette apparaîtra donc en dernier.

C'est exactement la même chose pour l'aloé véra, qui est souvent en poudre, dilué à hauteur de 1% dans de l'eau.

On est tenté de se dire : "ben dans ma crème américaine, il y a plein d'aloé vera, c'est le premier ingrédient de la liste". "Par contre ma crème Made In France n'en contient que très peu, il est situé en dernier, juste avant le conservateur". Faux. Les proportions sont sans doute les mêmes, ce qui change c'est la façon de déclarer cet extrait d'aloé vera dans l'INCI.

Dernier point, même s'il ne rentre pas dans un cadre légal, on tombe souvent en achetant des produits aux USA (avec internet, c'est simple) sur des INCI tronqués voire truqués. Les produits ne sont souvent pas déclarés officiellement, le fabricant (souvent une très petite structure non industrielle) inscrit ce qu'il veut sur l'INCI.

Pour le Neophyte, ce sont des produits 100% naturels. Souvent à prix plus qu'abordables, la composition est incroyablement "saine" et "belle" et "riche".

Mais quand on regarde le supposé "INCI" avec un oeil éclairé, on se rend compte que les crèmes ne contiennent aucun émulsifiant (et sont pourtant bien stables), pas de conservateurs (pourtant elles se conservent bien 1 an), pas de parfum (pourtant elles sont bien parfumées), pas de nacres ou de colorants (pourtant elles sont irisées et/ou colorées), des shampoings contenant uniquement des tensioactifs peu moussants (pourtant ils moussent comme un liquide vaisselle). Il y a donc indéniablement une déclaration INCI tronquée, voire truquée.

Ce qui n'est pas déclaré dans la liste, nul ne le sait exactement. La seule chose qui est sûre, c'est qu'un ingrédient non déclaré sciemment est rarement anodin... Pire, certains ingrédients ne sont souvent pas déclarés car ils sont interdits en Europe (souvent en raison de leur innocuité discutable).

Or le fabricant sait qu'il vend ces produits aussi en Europe, souvent sur internet, et que le consommateur européen est "éclairé" ou en tout cas, peut se renseigner sur un ingrédient assez simplement aujourd'hui. Il choisit donc sciemment de ne pas le faire apparaître dans "sa" liste INCI. 

Quand le consommateur ne sait pas exactement ce qu'il y a dans un produit, c'est sa santé qui est en danger. Et cela va de la simple intolérance à des problèmes bien plus graves (choc allergique, dommages cutanés/internes divers).
On ne peut pas tout décrypter avec un INCI, mais on peut sûrement éviter beaucoup de surprises plus ou moins désagréables quand on y a accès. Rappelons que l'INCI est avant tout à destination du consommateur, pour sa sécurité.
Le rendre facilement disponible est un un droit pour le consommateur, mais surtout un devoir pour une marque/un distributeur.

Et pan !

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1 commentaire Laisser un commentaire
Répondremomo - 02/09/2019

waou super article merci beaucoup !
Votre commentaire a bien été posté, merci pour votre contribution !