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Naturel, biologique, équitable… ton univers impitoyable [part 3]

Le moment est venu de s'attaquer à la 3ème et dernière partie de cette saga "Naturel, biologique, équitable" et pas des moindres, puisqu'il s'agit cette fois-ci des "produits naturels".

Vaste chantier que nous allons débroussailler, toujours sans langue de bois, s'il vous plait !


Après avoir passé en revue les idées reçues sur le naturel/bio, après avoir vu ce qu'on pouvait attendre d'un produit cosmétique certifié bio, voyons à présent à quoi s'attendre avec un produit dit "naturel".

Sous cette appellation, contrairement à un label bio, aucun cadre spécifique, juridique ou éthique, c'est entièrement freestyle !

N'importe quel produit, qu'il soit naturel dans sa formulation ou complètement chimique et polluant, n'importe quelle marque, peut se revendiquer naturelle, et c'est donc là qu'on va retrouver de tout mais surtout de n'importe quoi !

Pourquoi ? parce que la mention naturelle, qu'elle soit juste suggérée ou clairement mentionnée, est laissée à la totale appréciation de celui qui la porte, la marque. Du pire au meilleur, quelles catégories de produits peuvent donc se cacher sous la mention "cosmétique naturelle" ?

Les produits conventionnels avec une pincée ou une cuillerée de naturel.

On va retrouver ici des produits qui sont formulés exactement comme de la cosmétique conventionnelle : Tensioactifs de type Sodium laureth sulfate, émulsifiants de type PEG, humectants de type Propylène glycol, agents gras de type silicone ou huiles minérale, agents de douceur de type Ammoniums quaternaires ou équivalents, agents de texture de type Acrylates, conservateurs classiques de type Parabens.

Mais aussi antioxydants de type BHT, stabilisants de type EDTA pour les produits lavants.

Ce ne sont ni plus ni moins des produits conventionnels dans lesquels on va cependant retrouver un peu de "nature" sous forme d'extraits de plante (aloé vera, extraits de fruits, de fleurs, huiles végétales, etc...) largement mis en avant.

Vous allez me dire : mais c'est la cosmétique conventionnelle !

Pas exactement, car c'est un peu plus vicieux.

En effet, même si la cosmétique conventionnelle met souvent en avant des ingrédients naturels pourtant présents à titre symbolique, dans le cas de ces marques dont on parle ici, elles sont par contre clairement positionnées sur le segment naturel, ce qui n'est pas le cas de la cosmétique conventionnelle. Parfois (souvent) des ingrédients bio et/ou équitables sont même présents dans les formules.

En voyant les flacons, en écoutant le discours, la communication, le nom des gammes, des produits, vous avez vraiment l'impression d'être en face de produits naturels.

Ce n'est qu'en vous intéressant au détail des ingrédients que vous pourrez découvrir la supercherie.

Ici, la démarche est clairement ce qu'on peut appeler du "greenwashing", autrement dit, c'est un cheval blanc bariolé de rayures noires sensées le faire passer pour un zèbre.

On a connu avec grand étonnement la viande de cheval sensée être du boeuf dans l'alimentaire, sachez que dans les cosmétiques, ça existe depuis toujours et ça fonctionne plutôt bien.

Les produits avec une base naturelle aidée par la chimie conventionnelle.

Dans cette catégorie, on va retrouver des produits avec une formulation qui est à la base naturelle, mais dans lesquels on va quand même introduire des ingrédients problématiques. Pas exactement les mêmes que dans la cosmétique conventionnelle, mais des équivalents sensés être moins "problématiques" (dans le langage "sans langue de bois", ça veut surtout dire "moins connus").

On trouvera donc logiquement rarement notre trio de base parabens/silicones/sulfate dans ces produits, ce serait trop simple.

Par contre, le souci va se situer au niveau des tensioactifs : si on ne trouve pas forcément de Sodium laureth sulfate (quoique...) on va retrouver de l'Ammonium lauryl sulfate, mais aussi du Cocamidopropyl bétaine, issu en partie de la pétrochimie). Cette combinaison étant d'ailleurs autorisée en bio.

Au niveau des corps gras, on va souvent retrouver de l'Isopropyl palmitate ou myristate au lieu des équivalents sans pétrochimie comme les Dicapryyl ether ou Coco caprylate entre autres.

Concernant les après-shampoings, ou les soins de lissage, les produits contiendront rarement des Polyquaterniums, par contre, il y aura systématiquement soit du Behentrimonium methosulfate, soit du Cetrimonium choloride, soit du Stearamidopropyl dimethylamine.

Enfin, au niveau de la conservation, s'il n'y a pas de Parabens, on retrouvera soit du Phenoxyethanol (qui est autorisé dans certaines chartes bio) soit du Methylisothiazolinone. Mais le plus souvent, ce sont des conservateurs doux qui sont utilisés, les mêmes que dans les cosmétiques réellement naturels ou bio.

En dehors de ça, ce sont des produits qui utilisent beaucoup d'extraits de plantes, des huiles végétales, souvent en grande quantité, des émulsifiants tout à fait corrects, etc... Mieux que du greenwashing pur, mais ça reste néanmoins du "pseudo-naturel".

On retrouve beaucoup ce type de produits "partiellement naturels mais pas totalement" outre-atlantique.

Des tas de marques se sont en effet créées sur cette philosophie de partir sur une base naturelle, mais sans exclure totalement une chimie problématique soit d'un point de vue santé, soit plus souvent d'un point de vue écologique.

Les produits naturels

On va retrouver ici des produits dont la mention "naturelle" est totalement justifiée.

Aucun ingrédient problématique n'est toléré, les ingrédients utilisés sont à la fois de totale innocuité pour la santé et de total respect écologique.

Depuis les corps gras  jusqu'au système de conservation, en passant par les émulsifiants et les agents de texture ou de toucher, aucun ingrédient n'est sensé nuire à la santé ou à l'environnement.

Ce ne sont pas forcément des produits certifiables ni certifiés bio, mais ce sont assurément des produits naturels dont l'innocuité ou l'aspect écologique ne fait aucun doute.

Bien souvent même, ces produits iront au delà des exigences des labels bio, en refusant l'utilisation d'ingrédients pourtant autorisés en bio comme le Cocamidopropyl bétaine, l'Ammonium lauryl sulfate ou encore la Guar hydroxypropyltrimonium chloride.

Vous allez me dire : "mais pourquoi ne sont-ils pas certifiés bio ?".

Pour plusieurs raisons possibles, qui peuvent se cumuler entre elles. Et je suis bien placée pour vous en parler, parce que c'est le choix que j'ai fais pour les produits DeNovo.

  • Soit la certification représente un coût que le fabricant a préféré mettre dans l'élaboration d'une formule de qualité avec des ingrédients spécifiques. Choix compréhensible quand on connait le coût des ingrédients naturels, surtout quand la marque les achète elle-même, ce qui est très loin d'être courant en dehors des grandes marques internationales.
  • Soit le fabricant refuse le système de certification bio avec tout ce qu'il représente parce qu'il n'y adhère pas par éthique divergente.
  • Soit simplement, il choisit sciemment de ne pas remplir les conditions exigées par les labels (et se prive donc de certification bio) pour privilégier une formulation particulière plutôt que suivre à la lettre un label (pas toujours logique par ailleurs, voir ici) au détriment parfois de la qualité et de l'efficacité.

L'exemple en est l'utilisation du Panthenol ou de l'Urée, ingrédients hautement efficaces, écologiques et de parfaire innocuité, pourtant interdits en bio, car disponibles uniquement sous forme synthétique. Si vous voulez mon avis sur cette aberration, lisez cet article.

En effet, s'il est indéniablement éthique de ne faire aucune concession sur la qualité, l'innocuité ou l'aspect écologique d'un ingrédient, il est complètement aberrant de mon point de vue, de se voir refuser une certification bio sous prétexte qu'un ingrédient est synthétique, alors que toute condition est par ailleurs respectée (pourcentage d'ingrédients bio, formule naturelle jusqu'au bout, etc...).

D'autant plus que les labels bio eux, autorisent bien un pourcentage d'ingrédients synthétiques, mais uniquement ceux qu'ils ont arbitrairement choisis... cherchez l'erreur...

Précision utile, même si elle n'est pas toujours vraie : en dehors des aspects d'éthique, en ce qui concerne strictement les compositions (innocuité et écologie), je vous encourage vivement à ne jamais boycotter une marque en bloc parce que certains de ses produits sont totalement chimiques.

En effet, même si cela reste des exceptions, il peut arriver que certains produits d'une marque notoirement "chimique" soient peut-être pas entièrement cleans, mais plutôt acceptables, ce qui est déjà mieux que rien.

En résumé, regardez le joli flacon, faites vous plaisir avec le parfum, les couleurs, le design, le mannequin dans le champ de blé, mais ayez surtout le réflexe de retourner le flacon et de lire les ingrédients.

C'est la seule façon de savoir si un produit est naturel ou non.

Je vous rappelle à toute fin utile, que si on s'arrête au discours officiel et à l'avant du flacon, 70% des produits sont "naturels".

 

Combien le sont réellement ? 20% le sont partiellement, et seulement 5% entièrement ! A bon entendeur...
 

Arriverez-vous à mettre chacun des produits de votre salle de bain dans chacune de ces cases ?

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7 commentaires Laisser un commentaire
RépondreVal - 23/09/2017

Bonjour Alice, je découvre cette série d'articles et je suis ravie par ce ton à la fois clair, honnête et assumé! c'est rare de nos jours ... du coup, je me demande si votre réflexion sur le sujet s'est enrichie des années écoulées car il s'est sans doute passé beaucoup de choses depuis 2013! pour ma part, je n'ai pas encore testé vos produits, je dois bien l'admettre car j'ai une peau couperosée donc je fais peu ou pas de gommages, je me démaquille essentiellement à l'huile, au liniment ou au lait démaquillant (en fait, j'essaie de ne pas utiliser d'eau dans ma routine) et je n'ai pas de problématiques type peau grasse ou à problème! et vu mon type de peau et son état actuel, je suppose que ma peau est bien trop sensible pour l'utilisation des sérums que vous proposez malheureusement! ceci dit, je suis une inconditionnelle de la crème lactée que j'avais découverte grâce au blog "les cheveux de mini" (blog fermé depuis à mon grand regret) et grâce à vous, j'ai découvert les bienfaits de l'huile de sésame (par contre, il faut que je tente votre oléo silk) donc, comme la plupart d'entre nous, je suis toujours à la recherche du shampooing idéal! (à quand un shampooing chez DeNovo? ou même des masques?) voilà, je suis impatiente de parcourir le magazine car j'aime bien votre façon d'aborder les choses et la qualité des produits proposés! merci Alice pour votre implication et votre travail
RépondreEthnia72 - 13/04/2014

Très intéressant !
Répondrechamane - 10/12/2013

merci, trés chère de dénoncer l’imposture qui existe aujourd’hui pour tenter de récupérer la clientèle qui veut aller vers le naturel
merci de rappeler que tout ce qui est naturel n’est pas forcement bon: la cigüe, produit naturel ne doit pas être mauvaise; malheureusement, Socrate n’est plus là pour en témoigner…..
merci de dénoncer les incohérences des cahiers des charges bio: ainsi, le BDIH, qui n’est pas laxiste, autorise le sodium lauryl sulfate, mais interdit les cocoampho acétatés…
d’ailleurs il est déroutant pour les formuleurs industriels devant composer un aprés shampoing certifiable de n’avoir à leur disposition que la betaïne et les phospholipides, sachant que le jaune d’oeuf sera boudé par les vegans…
vous êtes une des seules a avoir travaillé sur les lécithines
il est également dommage que les labels excluent les esters citriques de mono et di glycérides d’acides gras (qui pourraient être produits de façon totalement bio) et qui permettent de formuler des beurres à base d’huiles sans palme ni karité
inutile de dire qu’un ingénieur chimiste y est totalement perdu et cherchera dans ses stocks ce qui peut rentrer dans les clous pour formuler par défaut et sacrifiera la valeur d’usage (la qualité du client)
d’où un bio qui n’est pas nécessairement à la hauteur…
Alice Roux - 18/12/2013

Eh bien, le nouvel article sur la cosmétique naturelle devrait vous plaire ????
A bientôt !
RépondreOff - 13/07/2013

C’est vraiment dommage pour le panthenol, car cet actif est extraordinaire! Il m’aide à calmer les irritations du cuir chevelu, il hydrate et renforce à merveille les cheveux, de même pour la peau qu’il aide aussi à cicatriser très rapidement. C’est l’actif que je mets absolument partout! Impossible pour moi de m’en passer.
Alice Roux - 14/07/2013

Peu d’actifs sont absolument indispensables, on peut souvent remplacer un actif par un autre, heureusement. En ce qui concerne le Panthenol cependant, de mon point de vue, il fait partie avec quelques autres, des actifs quasiment irremplaçables, en tout cas pour certains bénéfices, dont ceux que vous mentionnez (irritations du cuir chevelu et cicatrisation de la peau).
Je trouve donc comme vous qu’il est dommage de s’en passer, sachant qu’il est tout à fait écologique et sain pour la santé.
Mais s’en passer n’est pas une obligation, si on est pas absolument attaché à une certification, c’est ce que nous faisons ????

En tous les cas, s’il fallait une raison pour laquelle je ne partage pas certains points de vue des labels bio, celle-ci en fait partie.

Alice.
RépondreSib - 07/06/2013

En résumé je disais que c’était important d’être informé pour pouvoir faire ses choix en connaissance de cause. C’est grâce à des personnes comme toi que l’on peut s’y retrouver dans cette jungle :)

J’avais aussi une question sur des ingrédients que je vois souvent revenir. Polyglyceryl comme « polyglyceryl-6 distearate » et triglycerides (tu en as déjà parlé il me semble ^^) comme C10-18 triglycerides. Je me demandais ce que c’était ?

Bonne soirée à toi ????
Votre commentaire a bien été posté, merci pour votre contribution !